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Barreau Du Bénin : Deux jeunes femmes y ont fait leur entrée en mai 2008

Maîtres Nadine DOSSOU-SAKPONOU et Sandrine AHOLOU ; voilà les deux nouveaux noms inscrits au tableau de l’Ordre des Avocats du Bénin.
Béninoises d’origine et filles d’éminents avocats notamment des Bâtonniers Robert DOSSOU pour la première et non moins l’honorable Hélène AHOLOU-KEKE pour la deuxième, ces deux avocates n’en sont pas pour autant à leurs premiers pas dans le métier. En effet, elles ont toutes deux exercé pendant quelques années au Barreau de Paris avant de rallier le Barreau de Cotonou. Leur prestation de serment a eu lieu le 16 mai 2008 au Palais de Justice de Cotonou. Aujourd’hui, les deux jeunes femmes exercent la profession au sein du cabinet familial.
L’une d’entre elles, Maître Nadine DOSSOU-SAKPONOU, a accepté de nous en dire un peu plus sur son parcours professionnel.

Droit et lois : Quand on a fait ses études et qu’on a eu la chance d’exercer son métier en France, qu’est-ce qui peut vous pousser à revenir au pays ?

Me Nadine DOSSOU : Je suis née en France en 1969 pendant que mes parents résidaient à Paris. Ma mère et moi, sommes rentrés en 1971 à Cotonou. Mon Père et mon frère en 1973.

Mon Père a préféré nous mettre à l’école béninoise. Ma mère aurait préféré l’école Française mais le nationalisme exacerbé de mon père l’a obligé à faire le choix de l’école béninoise. Mon père voulait que nous ayons une culture béninoise. Que nous soyons fiers d’être des Africains et particulièrement des béninois.

Lorsque que mon père a été obligé de nous faire partir du Bénin, il a choisi en priorité un pays africain, la Côte d’Ivoire. Nous sommes (mes frères et moi) allés au Cours Secondaire Protestant de Dabou. J’ai dû quitter la Côte d’Ivoire pour la France parce que mon père a estimé que je parlais très mal français.

La culture béninoise a été la priorité de mes parents et, particulièrement de mon père. Grâce à son nationalisme exacerbé, je comprends et parle le fon et le mina.

En partant pour la France, j’ai toujours su que je reviendrai au Bénin. Ma mère disait toujours « qu’un petit chez soi vaut mieux qu’un grand chez les autres ».

J’ai exercé pendant cinq ans la profession d’Avocat au Barreau de Paris. Le plus prestigieux Barreau de France. J’étais fière de marcher dans les couloirs du Palais de Paris. Mais mon âme a toujours été au Bénin. Je suis béninoise et fière de l’être.

Je suis revenue sans regret au Bénin parce que je suis persuadée que le Bénin a besoin de compétence. Je suis revenue parce que c’est mon pays. Malgré les inconforts, je reste et demeure béninoise.

Le 16 mai dernier, vous prêtiez serment au Palais de Justice de Cotonou, quelle importance revêt pour vous ce cérémonial ?

Prêter serment à Cotonou était initialement pour moi, une simple formalité. Je ne comprenais pas pourquoi il fallait autant de protocole juste pour un simple serment. J’avais déjà prêté serment devant la Cour d’Appel de Paris. Je trouvais rébarbatif toutes les formalités qu’il fallait accomplir avant de prêter serment à Cotonou.

Cependant, le 16 mai 2008 j’ai compris que ce n’était pas une simple formalité. Me retrouver devant toute la Cour d’Appel en présence de tout le corps judiciaire m’a vraiment émue. C’était comme si je prêtais serment pour la première fois devant une Cour. J’ai ressenti une émotion très forte. Je me sentais fière d’appartenir au Barreau de mon pays. Je crois que être dans son pays et appartenir à un Ordre Professionnel n’a pas de prix. C’est comme la liberté.

Je dirai que c’est une cérémonie qui marquera ma vie.

Qu’est ce qui a motivé chez vous le choix du métier d’Avocat ?

Aujourd’hui, je suis les traces de mon Père, le Bâtonnier Robert DOSSOU mais il n’a pas été ma motivation première pour cette profession.

Au début, je disais que le métier d’Avocat ne vous laisse même pas le dimanche libre, à voir comment travaillait mon père.

J’étais très douée pour les matières scientifiques et mon père était convaincu que j’exercerai la profession de médecin ou de pharmacien.

Un jour, je suis tombée sur un ouvrage de Maître FLORIOT intitulé « Les erreurs judiciaires ». J’ai décidé d’exercer la profession d’Avocat après la lecture de ce livre.

J’ai su que j’étais faite pour défendre le droit, pour assurer et défendre les intérêts de l’être Humain.

Est-il facile de devenir Avocat ? Racontez nous votre Parcours ?

Il m’est difficile de répondre à cette question. Obtenir un diplôme dépend de beaucoup de paramètres. Pour les uns c’est facile et pour d’autres, c’est difficile.

Personnellement, j’ai obtenu mon diplôme d’Avocat par la force de mon caractère et par la confiance que mon père avait placée en moi, en tout cas dans un mélange de facilités et d’épreuves.

En première année de droit, j’étais à Tours et j’avais eu deux grands frères Roger AKOFFODJI, aujourd’hui Professeur à Abomey Calavi et Olagnika M. SALAM, Notaire à Cotonou, qui m’ont aidé à maîtriser les principes fondamentaux du droit.

J’étais assez bonne étudiante grâce à cet accompagnement. En deuxième année de droit, j’ai connu un blocage inexpliqué.

Très peu de personnes, croyaient encore en mes capacités intellectuelles à cause de mes échecs. Mon Père m’encourageait et a estimé que seul mon désir d’accéder à la profession d’Avocat était important, qu’il continuera à payer mes études. J’ai eu un temps très dur sur le plan universitaire à ce moment là. J’ai failli abandonner mais j’avais la conviction que le métier d’Avocat me convenait. Je le sentais au plus profond de mon âme.

Je répondrai à votre question en disant oui c’est facile si vous avez la volonté et des objectifs.

Je remercie Christine DESOUCHES qui m’a permis d’aller au bout de mon rêve et Maître OLORY TOGBE qui ne cessait de me dire « l’essentiel est d’arriver à bon port ».

Je dois mentionner également Monique et Boniface EDEY qui m’ont constamment remonté le moral.

Ce métier n’est-il pas contraignant pour une femme ?

Tous les métiers sont contraignants pour les femmes.

J’ai obtenu le Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat dans l’année de naissance de mon fils. Il avait trois semaines lorsque j’ai commencé à le mettre en nourrice juste pour avoir le temps de réviser mes cours.

Je me levais à 6h du matin, le lavais et le déposais à 7h chez la nourrice. Il y restait de 7h à 18h le soir. C’était difficile de laisser un nourrisson parce qu’on souhaite la tranquillité pour réviser. Mais la réussite nécessite parfois des sacrifices. Et, je crois que c’est le lot de toutes les femmes du monde.

Le métier d’Avocat est un métier passionnant qui demande du travail, de la réflexion, de la rigueur, de la Confraternité et de l’honneur mais qui n’est pas réservé uniquement aux hommes parce qu’on estime que c’est un métier contraignant pour les femmes.

Comment réussissez-vous à concilier vos responsabilités d’épouse, de mère et d’Avocate ?

Je n’ai malheureusement pas eu à exercer la responsabilité d’épouse et d’Avocate alors je ne peux pas répondre à cette question.

Par contre je peux être fière d’avoir su concilier à merveille ma responsabilité de mère et d’Avocate.

Je prenais toujours du temps avec mon fils le matin avant d’aller au Palais de Justice à Paris.

Parfois j’avais quatre à cinq audiences à travers la France entière. Je revenais fatiguée.

Alors, avant de rentrer chez moi le soir, je descendais 2 métros avant ma station d’arrivée et je marchais pour enlever la pression du travail. Une fois, à la maison, je prenais ma douche et je m’asseyais près de mon fils pour lui faire de la lecture et jouer un peu avec lui.

Le week end, je me réveillais très tôt pour finir mes conclusions. Après j’allais à la piscine ou pratiquer du Rollers avec mon fils à la place des invalides.

Ce n’est pas la quantité de temps que vous donnez à un enfant qui fait de vous un bon parent, c’est la qualité du temps. J’entends par qualité, le temps réel consacré à l’enfant pour lui seul, sans répondre aux portables, sans perturbations extérieures. Lorsque je suis avec mon fils, j’oublie le travail, les conclusions, les clients incarcérés et autres. Je deviens juste une mère agréable pour un bébé. Puis lorsqu’il s’endort, je retourne à mes dossiers.

J’ai élevé mon fils dans l’harmonie tout en exerçant avec passion le métier d’Avocat. Chaque chose avait son temps et sa place. Et lorsque je me retrouvais à court de baby sitter alors j’amenais mon fils aux audiences. Le plus comique est qu’il s’accrochait toujours à ma robe d’Avocat au moment ou mon dossier est appelé pour être plaidé. Vous imaginez bien la scène. Les Consoeurs se retrouvaient dans l’obligation de le prendre et de faire des dessins avec lui pour occuper le temps de ma plaidoirie. Ce fut une expérience de mère et d’Avocate passionnante.

Le fait que vous soyez la fille du Bâtonnier Robert DOSSOU dont nous connaissons le fulgurant parcours, ne constitue-t-il pas un handicap pour votre carrière ?

Tous les êtres humains viennent au monde avec un KARMA. Je suis venue avec mon KARMA et ce n’est pas un handicap pour ma carrière d’être la fille du Bâtonnier Robert DOSSOU. Je ne connais pas ma destinée mais j’ai reçu une bonne éducation pour réussir ma vie professionnelle. De mes parents, j’ai appris l’humilité, la bonté et la simplicité. J’ai également appris à reconnaître mes forces et mes faiblesses. Par conséquent, je suis armée pour la vie. Je rencontrerai des difficultés, des déceptions, des peines et des joies mais la vie reste merveilleuse pour moi. Mon père a suivi et suit encore sa voie, je suis la mienne avec en mains les outils que mon éducation m’a donnés.

Comment entendez vous faire pour honorer votre père et mieux faire que lui ?

Je ne suis pas en compétition avec mon père. Sa vie reste sa vie, comme je viens de le dire. Son parcours reste son parcours. Je n’ai aucun complexe en face de ses capacités intellectuelles. C’est un homme à intelligence exceptionnelle. Je n’entends pas me mettre la pression. Je travaillerai avec rigueur et conscience professionnelle, le reste se fera tout seul.

Pour honorer mon père, il faut connaître ses principes qui sont : le respect de soi ; le respect de l’autre ; être fier de ce que l’on a ou de ce que l’on est sans complexe ; avoir des principes d’honnêteté, de conscience professionnelle et de rigueur dans la vie.

Pour mon père, les valeurs intrinsèques ont plus d’importance que tout l’or et tous les honneurs dans ce bas monde.

Je crois avoir ses principes donc je n’ai plus rien d’autre à honorer. Je crois que mon père est fier de moi et cela suffit pour la réussite de ma vie professionnelle.

Un mot à l’endroit des jeunes filles qui envisagent de suivre vos traces…

Un mot ne suffirait pas pour dire aux jeunes filles et particulièrement aux béninoises d’aller au devant de leur rêve. Les filles veulent avoir de belles voitures, de belles maisons mais dans la poche de leur mari ou du mari des autres. La fierté et l’honneur d’une femme se trouvent aussi dans sa capacité à assumer ses besoins sans recourir nécessairement à un homme. Le monde évolue et nos femmes doivent changer de mentalités. Le travail est le premier mari de la femme.

Il faut concilier toutes les responsabilités épouse, mère et profession. Si un élément vous manque, votre équilibre n’est pas complet. Je ne partage pas l’avis des femmes qui privilégient le travail au détriment de la vie personnelle. Par contre lorsque les hasards de l’existence ne vous permettent pas d’avoir tous les éléments constitutifs d’un épanouissement total, il faudrait néanmoins trouver votre équilibre.

L’équilibre mental est une force et, cet équilibre se trouve à l’intérieur de nous. Les jeunes filles doivent avoir des objectifs et des priorités.

J’avais une priorité et un objectif auquel je me suis accrochée dans les pires moments de ma petite existence : DEVENIR AVOCATE. NE JAMAIS ABANDONNER SES REVES MEME LORSQUE TOUT SEMBLE VOUS ABANDONNER.

A toutes les jeunes filles, je leur souhaite d’avoir la force de volonté pour atteindre leur réussite professionnelle. La vie ne nous donne pas tout mais elle nous donne l’essentiel : LA JOIE D’EXISTER.

Le mot de la fin serait pour ma mère, Marie DOSSOU à qui j’envoie tout mon amour, pour mon frère Serge DOSSOU et ma petite sœur Amédéssè DOSSOU.

Réalisé par Inès AHOUANSOU Journaliste-Collaboration
Droit et Lois N°17 - Dossier du mois